Montmartre du plaisir et du crime
Louis Chevalier est une figure double : d'un côté un personnage sérieux, un universitaire, condisciple de Georges Pompidou à Normale, professeur au Collège de France, auteur du célèbre Classes laborieuses et classes dangereuses ; de l'autre, un poète de Paris et plus particulièrement des nuits de Paris. C'est évidemment ce dernier qui a écrit Montmartre du plaisir et du crime, plongée dans un univers dont certains lieux et personnages sont bien connus - le Moulin-Rouge et le Chat noir, Yvette Guilbert et Maurice Chevalier - mais où l'on découvre ou retrouve mille histoires qu'on avait oubliées ou jamais sues : - celle des lavandières, les camarades de Gervaise dans L'Assommoir de Zola : Chevalier nous conduit rue des Islettes, à la Goutte d'Or, où le lavoir est toujours là au moment où il écrit, - celle des chanteuses, la grande Damia, racontée par Léon Daudet, réactionnaire mais grand ami de Vallès, la Goulue, Frehel - et des grandes courtisanes, Liane de Pougy, Emilienne d'Alençon, la belle Otero, - celle des artistes de Montmartre, Degas et Lautrec, Manet et Steinlen, et de ses écrivains, Maupassant, Carco, Mac Orlan, - celle de la " terreur noire " anarchiste et des assassinats sordides : " Le plus souvent c'est la femme qui se fait tuer.
Non à la manière du Sébasto ou de La Chapelle, en bête de somme rouée de coups, mais en amante qui a trahi son serment et qu'on tue par colère ou par désespoir ". Belles filles et mauvais garçons, hôtels borgnes et brasseries illuminées, " décor d'ombre, de misère, de vengeance, de peur, mais qui, paradoxalement, est le décor du plaisir, bien plus que le décor de lumière de la place Blanche, avec son scintillement et ses paillettes ".
Un livre qui promène du boulevard Rochechouart à La Chapelle, de la place Clichy à la rue des Saules avec un incomparable pouvoir de fascination.