Salon de 1846: Précédé de Baudelaire peintre
Le Salon de 1846 est le texte par lequel Baudelaire - il a alors tout juste 25 ans - se lance dans l'aventure critique et, du même coup, s'invente. Parallèlement à ses poèmes il n'aura de cesse de poursuivre cette aventure, à la quête d'une peinture dont son époque, hormis quelques héros dont Delacroix reste le modèle, se montre terriblement incapable.
Tous les schèmes qu'il développera par la suite - la suprématie de la couleur, la modernité, la critique de l'éclectisme, les leurres de l'Idéal - sont déjà présents dans cet essai où son génie s'impose avec insolence et où cohabitent l'ardeur du futur révolté des barricades de la révolution de 1848 et la fatigue ou l'énervement du dandy avide de vertiges qui écrira tant d'inoubliables poèmes.
Isoler cet essai en l'éditant à part, c'est aller à la rencontre d'une pensée naissante, qui se vit elle-même comme un combat, et c'est aussi, à travers les tableaux et les peintres évoqués, entrer au coeur même du Paris des dernières années du règne de celui qu'on appela le « roi bourgeois ».
Ce que Baudelaire pressent, c'est aussi qu'envers la réalité de cette ville formidable, les peintres, dans leur ensemble, sont beaucoup trop distraits ou évanescents, quand ils ne se cantonnent pas dans des registres purement mondains. Rêvant d'une peinture qui transporterait l'intensité de Delacroix dans le monde de la grande ville, Baudelaire l'invente presque et, par là même, se fait peintre. Tel est le point de vue que Jean-Christophe Bailly développe dans une préface où il a cherché à identifier les enjeux de ce texte inaugural et provocateur. Un index biographique des noms des peintres cités accompagne le volume, par ailleurs enrichi d'un cahier illustré de 8 pages en couleurs reproduisant plusieurs tableaux discutés par Baudelaire.