Oncle Frank : Vie et mort de Frank Costello
1928... Huit ans déjà que la loi sur la prohibition - est entrée en application, déclenchant la plus gigantesque ruée vers l'alcool que le monde ait connu. Bootleggers et tenanciers de speakeasy font fortune.
Chaque jour, les quotidiens annoncent, le "score" des fusillades ayant éclaté la veille entre bandes rivales de trafiquants d'alcool. Garde-côtes et agents de la prohibition ferment les yeux: les dollars affluent et les gangsters ne les oublient pas dans l'affaire. A l'écart du bruit et de la fureur, un homme compte tranquillement des liasses de dollars, confortablement installé dans son luxueux bureau: Frank Costello...
La large et solide silhouette de Frank Costello jette une ombre immense sur l'histoire tout entière du crime organisé aux Etats-Unis, depuis l'époque de la prohibition. Il a connu tout d'abord les petits gangs indépendants, où l'on cultivait la violence qui fleurissaient au début des années 1900, et à la fin de sa vie les grandes familles hautement organisées, fonctionnant sur la base de principes modernes, entreprises quasi industrielles. L'Oncle Frank a joué un rôle capital dans cette métamorphose ; il ressemblait aussi peu, par son apparence extérieure comme par son style de vie, à l'image que l'on se fait généralement d'un parrain ou d'un caïd de la Mafia. Frank Costello était un homme affable et représenta indubitablement, et à lui seul, la force politique la plus puissante de la plus grande ville des Etats-Unis et personne ne pouvait escompter devenir juge, haut fonctionnaire ou maire sans son approbation. Il appréciait et comprenait le pouvoir et la puissance. Cela ne signifie pas pour autant que Oncle Frank ne fut qu'une force politique et un joueur passionné. C'était également l'un des principaux chefs de la Mafia. Il dirigea pendant un certain nombre d'années la vieille famille de Lucky Luciano, et son influence fut telle qu'il disposa longtemps d'un siège à la « commission », le conseil d'administration du Milieu américain.
Cela étant, il aspirait à la « respectabilité » avant toute chose, et ne cessa tout au long de son existence de se demander quel tour eût pu prendre sa vie s'il était né dans un tout autre milieu. Et pourtant, la presse n'a pas manqué de décrire Oncle Frank comme un monstre, un tueur à qui il suffisait de presser un bouton pour que quelqu'un disparaisse aussitôt, l'un des principaux financiers du trafic d'héroïne, enfin l'homme le plus puissant du Milieu. La vérité se trouve quelque part entre ces deux extrêmes.