Bagatelles pour un massacre :: l'accueil critique
Paru le 28 décembre 1937, Bagatelles pour un massacre n'est certes pas le premier pamphlet antisémite, mais c'est le plus violent depuis La France juive de Drumont (1886) et, circonstance aggravante, l'oeuvre d'un écrivain génialement doué. Récompensé par d'excellentes ventes, ce " pogrom de papier " est aussitôt traduit en Allemagne nazie. L'espace d'une diatribe truffée d'épisodes narratifs, Céline abandonne le roman pour s'égarer en politique et sceller son destin - avant de se censurer définitivement en 1945. L'ambivalence de Bagatelles - essai polémique ou oeuvre littéraire ? - est au coeur de la réception critique du livre. André Gide, dans la NRF, veut croire à une rodomontade ; tandis que Lucien Rebatet, dans Je suis partout, le félicite d'avoir " allumé le bûcher ". À gauche mais aussi à droite, on souligne l'obscénité et la malhonnêteté du raisonnement, inspiré voire bassement recopié des prospectus de propagande, certains reprochant même à Céline de discréditer l'antisémitisme. Mais tous ou presque soulignent la truculence rabelaisienne de Bagatelles, dont l'extrême nocivité est rarement dénoncée, sinon par la presse juive. Ce dossier critique, souvent déroutant pour le lecteur moderne, regroupe soixante articles parus de janvier à décembre 1938, sous la plume de Marcel Arland, André Billy, Robert Brasillach, Lucien Combelle, Léon Daudet, André Gide, Bernard Lecache, Emmanuel Mounier, Lucien Rebatet, Victor Serge... On y voit, explique André Derval dans une indispensable introduction, " la réalité virer au cauchemar, et des voix mesurées verser dans les pires partis pris et dans l'outrance ".