L'Ecole de la honte
On peut survivre longtemps dans un collège français. Mais dans quelles conditions ? Il faut se satisfaire d’une vie fractionnée en milliers de fins de journées, seule ligne d’horizon visible et accessible, surtout lorsqu’on débute dans le métier. Quant aux élèves, il vaudrait souvent mieux, pour eux, que leur passage y soit bref. On parle beaucoup de l’école au regard des événements ou des réactions spectaculaires qu’elle suscite et subit.
Mais pour la comprendre comme lieu de douleur et de régression, produit nécrosé d’un système qui semble capable de perdurer longtemps, il faut ressentir l’œuvre du temps. Il faut avoir été immobilisé des heures sur une chaise et avoir mis au point quantité de plans d’évasion. Il faut être resté debout une journée durant, tiré à quatre épingles, la tête lourde et la langue pâteuse. Il faut avoir entendu la cloche infatigable scander toutes les heures de la journée et avoir suivi, impuissant, la course du soleil. Il faut avoir vécu minute après minute dans l’ignorance, la honte et la peur.
C’est l’histoire d’une usine d’éducation des masses où des professeurs hagards s’échinent, sur une chaîne de montage qui défile à un rythme endiablé. Ils exécutent le seul geste qu’ils connaissent, sur des enfants au cerveau fragile et à l’avenir incertain.