Retromania
L'histoire du rock s'apparente désormais à une gigantesque archive dans laquelle quasiment chaque recoin du passé est accessible à tous.
[...] On pourrait comparer ces archives à un placard à vêtements où les nouveaux groupes puisent à loisir. Ceux-ci peuvent opérer des "surimpressions nostalgiques" en superposant des habits soniques provenant de différentes époques, revêtir des rôles comme on essaye un costume. Le placard du rock est effectivement plein à craquer, et les nouveaux artistes résistent difficilement à la tentation d'essayer différentes combinaisons ou d'effectuer des altérations mineures au lieu de créer des modèles totalement originaux.
Revivals et remakes, culture pop revisitée, mode et musique vintages, retro ou hipster, samples à l'infini, recyclages à gogo et nostalgie écrasante… Il semble que la rétromania soit une des caractéristiques principales, si ce n'est le phénomène central, de la pop culture d'aujourd'hui, de la musique en particulier. Si la culture de la citation a toujours existé, à l'heure de YouTube, de l'IPad et de l'Internet 2.0, elle a pris une importance jusqu'ici inégalée.
Telle est la thèse présentée ici par Simon Reynolds. Et de s'interroger : ces formes de la nostalgie bloquent-elles le chemin à toute créativité ou bien nous retrouvons-nous nostalgiques précisément parce que notre époque viendrait à manquer d'élan créatif ? Rétromania est un ouvrage de référence pour repenser un rock qui s'épuise à force de se parodier. Né à Londres en 1963, Simon Reynolds est un des plus grands critiques de rock actuels.
Après son immense Rip It Up and StartAgain, Déchire tout et recommence, consacré à la décennie post-punk, il donne ici un ouvrage majeur dans lequel il passe au crible la musique de ces trente dernières années qui elle, plutôt que de faire table rase du passé, s'en inspire jusqu'à se vider de toute substance.