Gilgamesh

Auteur : André Markowicz
Editeur : Inculte-Dernière Marge

J’ai traduit Gilgamesh, qui est l’un des plus anciens textes de l’humanité. Je ne l’ai pas traduit du sumérien, de l’akkadien, du babylonien. Je l’ai traduit du russe. Parce qu’il a été traduit en russe, en 1919, par l’un des plus grands poètes du début du XXe siècle, Nikolaï Goumiliov (1886-1921). Je l’ai traduit du russe alors que, Goumiliov lui-même l’a traduit du français, de l’édition érudite que venait de publier Edouard Dhorme, en 1907, avec l’aide d’un spécialiste de la Mésopotamie, Woldémar Chiléïko (1891-1930). Oui, c’est la traduction de la traduction d’une traduction.

Goumiliov, à partir des fragments disjoints remis au jour par les savants, a composé un texte uni, sans lacunes, un texte qui reprend pourtant le rythme du texte original, qui reprend ses jeux sur les sons, qui restitue, comme nul autre, sa poésie, — un texte à la fois très ancien et ancré dans son époque à lui, celle de la Révolution, du grand naufrage d’une civilisation.

Goumiliov traduit, souvent au plus près du texte établi par Dhorme, parfois beaucoup plus loin, une épopée tragique, la quête de l’immortel d’un homme qui, finalement, choisit de n’être qu’un homme — n’arrivant même pas à dominer sa terreur de la mort. Et moi, c’est ce « poème sans héros » (pour reprendre le titre d’Anna Akhmatova), qui m’a accompagné depuis l’enfance : l’édition originale, republiée seulement cette année en Russie, était dans la bibliothèque de ma grand-tante, à Pétersbourg, dans cet appartement annihilé que j’évoque dans L’Appartement. Elle est, aujourd’hui, un siècle plus tard, dans la mienne. La traduire, c’est la faire vivre, dans le déplacement. Faire vivre l’ombre d’une ombre de la mémoire que j’ai voulu la mienne.

André Markowicz

12,90 €
Parution : Octobre 2021
100 pages
ISBN : 978-2-3608-4134-9
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