Oeuvres mortes
« Longtemps je me suis couché tardivement... » Ainsi pourrait débuter le récit de cet homme, journaliste et écrivain, qui souffre d'insomnie. Couché auprès de sa femme endormie, dans cet état flottant entre veille et sommeil, entre présent et mémoire, il laisse monter à lui le souvenir des amis disparus. Tel ce vieux capitaine noyé d'alcool, devenu chroniqueur météo, qui abandonne dans son sillage une série de cahiers – un roman (?) - intitulée œuvres mortes... Ou l'énigmatique Oskar Isumi, un étudiant nippon rencontré à l'université de Barcelone. De fil en aiguille, le narrateur questionne la place que l'on offre aux autres, ce que l'on imagine de leur vie, ce qu'ils supposent de la nôtre. Ne serait-il, à son tour, un personnage de fiction créé par ce Japonais aussi réel qu'imaginaire ? Comme un navire reflète à la surface de l'eau ses œuvres mortes, partie émergée, soustrayant au regard les œuvres vives, la mémoire superpose le présent et les absents, et les héros, marins que la terre ferme rend malheureux, traversent allègrement le miroir du réel.