Soleils Verts
Si nous sommes infidèles à notre passé, c'est que son insistance nous semble pesante. L'enthousiasme, ce « Dieu intérieur », est porteur de beaucoup de désillusions. On se prendrait à envier l'indifférence de ceux qui passent sans aimer. L'exil de sa petite enfance a fait de Julien un voyageur sans bagage, dans une chambre de passage, sans rien aux murs de familier, sans parfum évocateur, sans écho de tendres soupirs ni de rires complices. Il faut alors aller chercher, jusqu'aux lointains confins d'un continent en devenir, une autre vie possible. Quand on n'a jamais eu de l'existence que ce qu'on a conquis, son prix en est d'autant plus élevé. Ceux qui tenteront de l'en dépouiller, le paieront durement. Mais hélas, pas seulement eux. Passer de l'atmosphère de langueurs tropicales d'un Cambodge d'avant l'enfer à l'ambiance accablante de la stricte Règle d'un collège religieux de la région parisienne n'a rien d'évident. Un tel saut dans l'inconnu, à douze ans, laisse présager quelques turbulences, parfois brutales. Pourtant, la rencontre d'une infirmière, qui ne savait pas si fragile l'épaisseur de la neige sur ses sentiments, l'attachement confiant d'un petit animal, l'amour libéré des sens d'une innocente brisée par la guerre, le romantisme d'une jeune fille au corps initié mais au coeur en jachère, seront pour le collégien, loin de chez lui, la lumière dans la nuit. Raphaël, finalement, aurait tort de se plaindre.