La Maison-Guerre
Quand je suis fatiguée d'ici, des gens et des choses d'ici, c'est là-bas que je retourne. À la maison. Cette maison qui n'existe pas, qui n'existe plus. C'est un jeu, délicieux et cruel, comme tous les véritables jeux. On peut le pratiquer partout, dans la foule du métro, ou prisonnier d'un long voyage en train, ou quand, au coeur de la nuit, on se réveille dans l'étonnement triste de sa vie. Alors, on s'en va, on retourne à la maison. La sienne. La maison secrète. Chacun en a une. Pour moi, c'est la maison-guerre. Lorsque Vera confie sa petite fille de quatre ans à ce qui va devenir, dans son imaginaire d'enfant, la « maison-guerre », un lieu silencieux occupé par de vieilles personnes, elle ne songe qu'à la protéger de la cruauté des temps. Mais le lieu, si présent, si fort, dans une époque si tourmentée, deviendra dans l'esprit de la fillette une ressource de mystères et d'émotions, une blessure et un refuge, un apprentissage de la vie qui n'aura pas d'équivalent.