Ton père pour la vie
Ton père pour la vie : ce sont les mots sur lesquels Michel Chrestien concluait invariablement les très nombreuses lettres qu'il écrivait à son fils. Antoine Silber qui en a fait le titre de ce livre l'a conçu comme une longue adresse d'un fils à un père aujourd'hui disparu, et un retour sur la vie d'un homme qui vivait parmi les livres et qui avait choisi à la fin de sa vie de ne plus quitter son lit, dans le petit appartement qu'il occupait rue de l'Odéon. C'est là que nous remontons le temps, de confidences en anecdotes, suivant en témoins discrets les derniers mois de cette relation père fils , souvent bouleversante dans sa simplicité. Il faut dire que la vie de ce père est à elle seule un roman. Mort en 1991, Michel Chrestien - de son vrai nom Jacques Silberfeld - était un homme de lettres né dans une famille de diamantaires juifs polonais installée à Anvers. De là, il vint à Paris pour y faire ses études et n'a plus quitté ensuite le sixième arrondissement où il habitait rue de l'Odéon. Écrivain, traducteur, proche d'Alexandre Vialatte ou de Jean Dutourd qu'il rencontra lors de son engagement dans la Résistance pendant la seconde guerre mondiale, il était un personnage tout à fait singulier du Paris littéraire des années soixante. Antoine Silber qui, après avoir publié son premier livre, Le Silence de ma mère, où il s'attachait à la figure maternelle, consacre ce roman, tout en pudeur et retenue, à son père mais où l'on peut dire sans emphase que l'homme paie sa dette envers celui qui a fait ce qu'il est. Ce livre est un texte d'amour. Le temps a passé qui ne reviendra plus. Il s'est rétréci aux dimensions d'une chambre, pleine de souvenirs, d'où Antoine Silber nous livre une réflexion profonde sur l'amour filial, long fleuve intranquille plein de malentendus et de regrets doux-amers, de souvenirs d'enfance heureux, de questions irrésolues, avec toujours la certitude d'appartenir à une même histoire, celle d'une famille. Mais si Ton père pour la vie est un récit de vie, c'est aussi un livre de questionnement ou plutôt de positionnement. Antoine Silber, en nous livrant son histoire particulière, nous fait réfléchir sur un thème plus universel : l'appartenance. À une histoire familiale d'abord, puis, par extension, à une histoire collective, ici, celle de la judéité. Il nous donne un texte vibrant qui, tout en restant extrêmement pudique, est à classer dans les textes de maturité.