Les folies grenelle
« Politique en diable, sûre de sa beauté, Sabine Régina n'ignorait pas que son patronyme lui conférait de surcroît un atout bienvenu pour conquérir le coeur des foules. En de certaines occasions, elle avait usé sur des audiences déjà acquises de ses charmes réginesques dans des tuniques de vestales, apparaissant en prêtresse d'un culte qui pouvait froisser de vieux républicains. Aux dires des trissotins de la politologie pérorant sur les ondes et les écrans, Sabine « imprimait dans l'opinion une forte prégnance iconique ». Les mêmes assuraient que les images compensaient la faiblesse et la pauvreté de son verbe. Les improvisations orales, quand elles avaient lieu devant un public nombreux et malveillant, desservaient parfois la jolie ministre qui redoutait la Chambre et les questions au Gouvernement. Jardinier et ses affidés se réjouissaient des embarras de langue et des cuirs de celle qu'ils peinaient à tenir en lisière. A l'inverse, le cabinet de Sabine, dirigé par Gilbert de Chante-Alouette, énarque sorti dans la botte, était à l'affût des accidents de conduite dont on créditait Jardinier. On savait qu'avec ses drilles les plus proches, ceux qu'il appelait ses grognards, il se livrait à des sortes de rallyes dont l'enjeu était de contraindre à coucher les ambitieuses évoluant dans les eaux troubles du cabinet. Avec une expérience acquise dans les trois académies d'Ile-de-France, Jardinier avait le talent de faire monter les proviseures et les cheffes d'administration centrale, ainsi que désormais commande de les appeler la terminologie officielle. Il s'en entourait sans vergogne, confiait des missions, accélérait des avancements, distribuait des primes contre des faveurs que peu, parmi ces péronelles, songeaient à lui refuser.» Plaie de la République comme la rivalité des Bureaux fut celle de l'Ancien Régime, la guerre des cabinets ne connaît jamais de trêve. Elle rougit même jusqu'à l'incandescence lorsque deux coteries se voient contraintes de partager un territoire ministériel absurdement découpé comme une carte d'Afrique par les services de l'Elysée et de Matignon. Les meilleures énergies sont bandées, les volontés les plus farouches arc-boutées pour pilonner les positions d'un rival qu'une tradition mortifère commande de haïr et, quoi qu'il en coûte, de paralyser. Et l'intensité de cette haine, pour ainsi dire ordinaire, est encore avivée par le lien de subordination qui attache le secrétariat d'Etat au ministère. Sabine Salva, nommée secrétaire d'Etat, sorte de reine vierge à la réputation aussi redoutable qu'immaculée, va semer la zizanie au sommet de l'Administration - où règne un fort sexisme - et « gérer » de nombreux scandales de nature variable (financière, sociale, sexuelle, etc.)