Simondon & le devenir, une éthique du bonheur transindividuel
Dans son dernier cours au Collège de France, Michel Foucault nous parle d'un oubli, plus fondamental à ses yeux que le fameux «oubli de l'être», ou plus précisément d'une négligence, ; une négligence dont la philosophie est responsable, ce qui est d'autant plus paradoxal qu'il concerne précisément la vie philosophique. «Je voudrais, en tout cas, suggérer simplement que s'il est vrai que la question de l'être a bien été ce que la philosophie occidentale a oublié et dont l'oubli a rendu possible la métaphysique, peut-être aussi la question de la vie philosophique n'a-t-elle pas cessé d'être, je ne dirais pas oubliée, mais négligée ; elle n'a pas cessé d'apparaître comme en trop par rapport à la philosophie, à la pratique philosophique, à un discours de plus en plus indexé au modèle scientifique» (Michel Foucault, le Courage de la vérité, Paris, Seuil-Gallimard, 2009, p. 218). Cette négligence a une histoire. Car le problème de la vie philosophique a été posé dans toute sa radicalité dans l'Antiquité (il était notamment au coeur de la démarche des cyniques qu'analyse Foucault dans son dernier cours) ; il n'était pas complètement oublié à l'époque moderne, comme en témoigne l'oeuvre de Spinoza (sur ce point, voir Foucault, l'Herméneutique du sujet, Paris, Seuil-Gallimard, 2001) ; mais à partir du moment «où la philosophie est devenue un métier de professeur, c est-à-dire au début du XIXème siècle» (Foucault, op. cit., p. 196), elle a évacué du champ des problèmes pertinents, des problèmes «sérieux», cela même qui pourtant lui avait donné son horizon et sa raison d'être : la possibilité de définir une vie philosophique, c est-à-dire une vie juste, une vie bonne, une «vraie vie».