Philosophie & Alimentation : La conscience de bien manger
La définition personnelle de ce qui est «bon» gustativement permet au mangeur, affirmant son jugement personnel, d'élever son identité et son appartenance à une certaine catégorie sociale. On ne saurait limiter le bon goût à un aspect purement personnel sans prendre en compte les interactions socioculturelles, ni à une représentation simplement heureuse, ou à une réalité concrète, absolue ou universelle. Le goût d'un plat, bon ou mauvais, dans une réalité abstraite, est perçu par la pensée subjective. Mais réduire le bon goût à une attente individuelle, conduit inévitablement non seulement à le diviser, à le diversifier, mais aussi à nous diviser sur fond sociétal à propos du bon goût. Si bien que la définition de la qualité alimentaire voire gastronomique devient confuse, au regard de chacun. Chacun ayant des critères propres dans ses attentes alimentaires, esthétiques, gustatives, culturelles et de commensalité, des guises ou caprices issus de son éducation alimentaire, voire des manies individualistes, comment occulter qu'en faisant du bon goût une affaire personnelle, on aboutit à ériger une dégustation unipersonnelle et un plaisir de table solitaire ? En outre, réduire le bon goût à une affaire de bien-être, c'est perdre de vue que le bon repas est produit de la pensée et du jugement et non pas simplement du besoin et de sa satisfaction ou de l'expertise et du savoir-faire. Quand on dit qu'un produit est bon, on ne dit pas assez que «cela nous plaît personnellement».