Adieux au patronat
Le syndicalisme ouvrier en France semble aujourd'hui appartenir au passé. Incapable d'enrayer le déclin constant que connaît le secteur industriel depuis quarante ans, il est également confronté à une crise sur le sens de son action syndicale. Pourtant, loin des grandes actions mobilisations nationales, des syndicalistes mènent des luttes sur leurs lieux de travail dont on ne mesure pas toujours ni l'inventivité ni les effets. Hélio-Corbeil, imprimerie d'héliogravure située à Corbeil-Es- sonnes est l'un de ces exemples : après des années de restructurations conduites par des multi- nationales de la presse, les délégués syndicaux CGT sont parvenus à reprendre leur entreprise en février 2012 sous forme de Sociétés Coopératives et Participatives (SCOP), sauvant 80 emplois et l'existence d'une entreprise bicentenaire. À partir d'une enquête au long cours (2012-2018), mêlant immersion dans l'entreprise, entretiens et exploitations d'archives, cet ouvrage retrace la genèse de cette mobilisation et la mise en place d'une gestion ouvrière de l'usine : on apprend alors qu'une telle action collective résulte d'un large répertoire d'action, au coeur duquel la gestion a toujours occupé une place centrale ; on découvre surtout la manière dont se constitue une démocratie ouvrière aujourd'hui : entre conditions de travail et pérennisation de l'entreprise, l'équilibre est le produit d'un constant ajustement, parfois de luttes. En somme, cette enquête met au jour les transformations à l'oeuvre du syndicalisme industriel aujourd'hui en France. Elle invite en ce sens à reposer la question de la professionnalisation syndicale, sur ses potentialités revendicatives et ses possibilités de transformation.