Le Juif dans le roman français au XIXe siècle
Des romanciers qu’on croyait insoupçonnables d’hostilité à l’égard des juifs se révèlent sous un jour nouveau qui déçoit et ne les grandit pas.Qu’est-ce qu’un juif en France au début du xixe siècle ? Un usurier, au mieux un marchand dont il faut se méfier. L’émancipation des juifs, décrétée au lendemain de la Révolution, fut vécue comme un véritable danger pour l’église, les nostalgiques de l’Ancien régime et certains socialistes comme Proudhon qui s’en tenaient aux vieux poncifs antisémites, dont celui du « veau d’or », et les diffusaient à l’envi. Paradoxalement, c’est la fiction romanesque qui va soustraire les juifs au mépris et à la crainte. Est-ce à dire que tous les romanciers, surtout à partir de la seconde moitié du 19e siècle, rendent aux juifs leur honneur et leur humanité ? Nullement. Est-ce à dire que tous les auteurs qui leur succèdent sont antisémites ? Pas davantage. Mais un glissement négatif s’opère et les préjugés, les poncifs, la peur et la haine réapparaissent. L’or devient consubstantiel au juif et l’usage qu’il en fait est de plus en plus redouté. Peu à peu, vers la fin du siècle, apparaît une littérature différente, toute chargée de rejet des juifs. Alimentée par l’affaire Dreyfus, elle produit des ouvrages qui conduisent à la propagande nazie et justifient par avance l’horreur des persécutions et l’extermination.