Jésus-Christ, sublime figure de papier
Depuis plusieurs siècles, les esprits critiques qui refusent à juste titre la foi en un Dieu fait homme croient pouvoir se replier sur une distinction faussement simple : entre un "Jésus historique" (mais dont on ne sait rien) et un "Christ de la foi" qu'on laisserait au domaine religieux. Cette position est une impasse dont il est urgent de sortir.
La véritable scientificité consiste à examiner comment les textes évangéliques appartiennent à la culture hébraïco-grecque du midrash : tout se passe dans le texte et uniquement en lui, conformément aux textes sacrés hébreux où la parole et la réalité ne sont pas différenciées. Il ne faut rien exclure de ce qui arrive aux personnages des Evangiles, miracles compris, puisque cela fait partie intrinsèquement de leur signification. De plus, la figure du personnage Jésus (Yeshoua, M. Salut) est le résultat d'une double "personnification" : celle du peuple juif et de la présence de Yahwé dans son peuple.
Les rédacteurs des Évangiles ont procédé à un admirable travail, en dehors de toute existence historique des personnages, et en dehors aussi des catégories que l'on a l'habitude de manier (légende, littérature, etc.). Il s'agit de textes entièrement symboliques, et entièrement élaborés dans le cadre du judaïsme de l'époque. Seule une confusion herméneutique, c'est-à-dire le fait de prendre au propre ce qui devait être pris au figuré, accentuée par la multiplicité des langues utilisées à l'époque (hébreu, araméen, grec), explique la croyance ultérieure en un homme existant. Nous devons tous nous réapproprier des oeuvres de pensée aussi étonnantes.
Préface de Thomas Romer