Traduire ou perdre pied
"On parle beaucoup de notre "invisibilité". Un bon traducteur est un traducteur qui ne se voit, qui ne s'entend pas. L'intermédiaire se doit d'être transparent, entièrement résorbé dans sa mission de service. Qui ne se soumet pas à cette ascèse encourt le péché d'orgueil. Traduire, c'est se montrer humble. Humble, je le suis par force quand je traduis, quand j'ignore, quand je cherche, quand je doute - c'est-à-dire en permanence. Plus je traduis, moins je sais. Plus j'ai d'habileté, plus le sol se dérobe sous moi, plus les mots, les phrases révèlent leur double, leur triple fond et bien plus encore. Je ne cesse de composer avec le vertige. Le texte, foncièrement, m'échappe, et pour travailler je dois faire comme si je savais, juste comme si." Corinna Gepner.