Créatures
Mon esprit n’est pas suffisamment philosophique pour analyser l’évolution de la pensée. Et puis, peut-être est-ce moins la dégradation qui m’intéresse que la question même de la pensée (ou du dessin). Me posant la question du sens de la phrase de Heidegger : “nous n’avons pas encore commencé à penser”. Très jeune, je jalousais l’époque de la Renaissance et de ses grands bouleversements qui avaient trituré, malaxé et redéfini l’Homme. Mais ce n’était rien par rapport à ce que nous vivons. Nous sommes dans un bain total de désenchantement. Notre désuétude fait mal et nous invite à disparaître. Pourtant ce qui est traqué ici, c’est le point nodal, imaginaire, à partir duquel se décline toute évolution.
“On cherche le corps et l’on trouve la pince. On cherche le vivant, et c’est la pierre ou l’arbre fossilisé des forêts carbonifères ou des souvenirs de cromlech. On ne sait si l’homme que l’on croyait connaître y fut d’abord et, pour tout dire, au commencement, ou s’il existe seulement en puissance, pour un avenir repoussé à l’infini.” (Claude louis-Combet) L’univers de Roland Sénéca n’est ni figuratif ni abstrait, il n’a pas plus de destination que d’origine : timidement le verbe souffle un sens sur des formes qui n’ont de compte à rendre qu’à elles-mêmes.
Quarante-cinq dessins de l’auteur en pleines pages.