Bras cassé
Il boudait. Ce bras qui l'avait lâché, il le lâchait à son tour, et vainement encore cinq mois plus tard la kinésithérapeute m'exhortait à rentrer dans mon bras, mais je me débrouillais avec le gauche, m'étant mis tant bien que mal, dès le lendemain de la chute, malgré sa maladresse, sa presque inexistence, à écrire vermiculairement de la main gauche pour ne pas perdre trace entière de cet aspect gelé et belle-au-bois-dormant de la nature, dont il fallait que je prenne note, afin de ne jamais plus l'oublier, ni l'omettre dans mes futures possibles investigations.
L'individu a au moins deux manières très distinctes de vivre son corps : à ces deux modes de vie s'accordent les noms de droit et de gauche. Dans le corps droit est perçue la représentation sociale, déterminante du corps visible, a contrario, le corps gauche est une manière intérieure, porté par les sensations et l'imagination. Un bras cassé, le droit, provoque une rupture dans la perception du corps, point de départ de ce texte, voyage intérieur, côté gauche.