La société Lumière
"Je suis absent parfois : rien n'a changé à mon retour, sinon que je découvre en moi, de place en place, des peurs et des idées nouvelles, qui sont tantôt des souvenirs, tantôt des rêves. Aucun n'a de sens ; beaucoup s'atténuent puis s'effacent ; d'autres me restent, et souvent je m'y heurte au hasard des journées. Je me contrains à des détours, car il est déplaisant d'avoir à traverser ces régions de troubles : je m'y sens épié ; des voix s'échappent de la terre et montent vers moi ; je ne comprends rien à leurs accusations : on m'impute des actions vagues, inintelligibles, qui ne ressemblent pas même à des crimes. Je ne crois pas qu'il existe un enfer, et quand bien même ce serait, je ne crois pas être appelé un jour à le connaître. Pour ce que je conçois du monde souterrain, ce n'est rien de plus qu'un dédale de buses, de réservoirs et de citernes ; on y descend par des degrés de fer ; aucun homme n'y a son séjour ; il y règne le même silence que partout où je suis allé."