Les mangeurs de ville - Tokyo
Editeur : Nanika Editions
Au début était la marche. Évolution naturelle, instinctive, vitale.
Au début aussi, était la nourriture.
Au début, donc, étaient la marche et la nourriture.
Pour moi, une paire vitale. Je marche et je mange. Et je mange et je marche. Je savoure les rencontres visuelles, auditives, olfactives. La lumière, le ciel. La lune. Dans la nature ou dans la ville. Je déguste ce que mes papilles testent, ce que mes narines goûtent. Mon esprit est libre. Fluide. Oxygéné. Flottant. Il imprime : les passants. Les pâtisseries. Les sommets. Les cafés. Les monuments. Les restaurants. Dessinant la carte d'une terre nourricière sur laquelle je revis sans cesse mon tout premier voyage, celui du nourrisson parcourant le ventre de sa mère pour se restaurer après une naissance éprouvante.
Comme l'appétit vient en mangeant, le goût du voyage vient en voyageant. Habitat, voisinage, région, pays, contrées, des horizons vastes s'ouvrent à mes appétits. Appétit de bouger. De marcher. De découvrir. De goûter.
Certains lieux, plus rares, créent l'envie de se poser. D'y revenir. D'en faire un centre, même lointain, le pôle d'une attraction diffuse. Une gravité nouvelle. Depuis mes premiers séjours professionnels jusqu'à mes dernières découvertes hédonistes, le Japon est devenu une seconde terre, et le point de départ de multiples parcours. Se laissant toujours dévoiler mais jamais démasquer, sa porte grande ouverte pour révéler d'autres portes, le Japon est le pays de la succession des miracles de la découverte. Accueillant et distant, chaleureux et réservé, moderne et antique, facile et inaccessible, la liste de ses paradoxes n'a pas de fin. Celle des interrogations du voyageur, non plus. La marche, la table et l'amitié m' ont permis de pénétrer, lentement, progressivement, jamais linéairement, dans ce pays-planète. Et de le déguster. Car, vraiment, chaque jour passé au Japon est une épopée culinaire.