Un acte manqué
L'uchronie est un art subtil consistant à raconter des faits historiques en imaginant qu'un certain nombre d'événements se seraient passés différemment. On peut par exemple s'interroger pour savoir quel aurait été le sort de la France et de l'Europe si Henri IV n'avait pas été assassiné par Ravaillac, si Napoléon avait remporté la campagne de Russie, si Sedan n'avait pas existé, et bien sûr si de Gaulle n'avait réussi son épopée de la résistance, etc. Philippe Mestre, ancien député, ancien ministre, tente une hypothèse particulièrement audacieuse pour ce gaulliste convaincu qui a occupé des postes très importants dans l'administration française. Il esquisse une hypothèse : que se serait-il passé si Pétain avait quitté Vichy le 11 novembre 1942, au moment où les Allemands franchissaient la ligne de démarcation et envahissaient la France libre (ce qui était une rupture des conditions de l'Armistice) et avait regagné Alger, en prenant la tête de la résistance avec l'armée se trouvant en Afrique et la flotte qu'il aurait fait venir de Toulon. On se souvient qu'à l'époque, son bras droit, Darlan, s'était installé à Alger pour une mission qui n'a jamais été éclaircie et se trouvait en rivalité avec le général Giraud. Ce dernier avait pris la tête de la résistance en liaison avec les Américains en train d'organiser leur débarquement en Afrique du Nord, pendant que le général de Gaulle, qui n'avait pas été tenu au courant de ce débarquement, se trouvait, en quelque sorte, isolé à Londres. Cette hypothèse de la venue de Pétain à Alger aurait-elle pu se réaliser ? C'est ce dont on finit par être convaincu en lisant le livre de Philippe Mestre. On rentre assez facilement dans le jeu uchroniquede l'auteur, d'autant plus qu'il l'esquisse avec une très grande habilité : il imagine un dialogue entre une journaliste et l'auteur de cette invention confrontée à un professeur érudit expert qui, dans un premier temps, essaie de l'en dissuader et, dans un deuxième temps, lui fournit des arguments pour l'étoffer.