Diego Giacometti
Comment évoquer fidèlement, en respectant sa pudeur, l'homme modeste et singulier, si merveilleux, que l'on aimait sans réserve, comment définir, en le situant à son rang, le charme inclassable de son œuvre ?... Diego, qui possède les dons et la science du sculpteur, se qualifiait humblement de bricoleur à cause de la destination utilitaire de son œuvre. Par son tempérament, il s'apparente à Braque et à Laurens, héritiers de la lignée artisanale et manuelle qui constitua longtemps la sève vive de Paris. Parmi les sculpteurs, il vénérait Daumier pour sa droiture morale, sa foi populaire, sa certitude plastique et sa saveur tactile. Sa technique de bronzier le sépare aussi bien des ébénistes traditionnels que des créateurs de meubles contemporains, le plus souvent architectes, qui créent mentalement leurs épures en acier ou en polyester. Et sa démarche ouvrière s'oppose radicalement à la conception mécanique du dessin industriel... Respecté par les meilleurs créateurs de son temps, aimé des paysans de son village aux rites immémoriaux et du fin petit peuple ouvrier de son quartier parisien, aide et soutien de son frère et de sa gloire mythique, Diego laisse, sous son dandysme secret, un exemple singulier d'indépendance généreuse et de sagesse amusée. Plus rare et peut-être plus précieux aujourd'hui que celui de l'artiste, il a forgé lentement, silencieusement, son destin d'artisan-poète unissant au souci de l'utile le charme et la fraîcheur du merveilleux. Jean Leymarie