Les morphologies sociales
Une société n'est pas seulement un composé d'individus, de populations, de groupes et de réseaux, elle est aussi ce qui fait tenir le tout ensemble. En partant du concept durkheimien de solidarité sociale, Jean Baechler propose un examen des principes de cohésion et de cohérences des sociétés humaines ou morphologies.
Un repérage empirique permet de construire un échantillon plausible d'une dizaine de morphologies : la bande, la tribu, la cité, les castes indiennes, les féodalités européennes et japonaise, le marché-centre chinois, la ville-capitale asiatique et la nation moderne. Leur analyse révèle la diversité des solutions trouvées par l'espèce humaine pour rendre effective sa grégarité. Deux chapitres sont ensuite consacrés aux dispositifs objectifs et aux dispositions subjectives mis en oeuvre parles diverses solutions. Les solidarités mécanique et organique repérées et analysées par Émile Durkheim dans la division du travail social en reçoivent un éclairage nouveau, pour porter le concept de morphologie et de culture. Cette délimitation conceptuelle permet de préciser davantage encore les personnalités respectives des diverses morphologies. Pour assurer leur fonction, elles doivent être simples, efficaces, souples et robustes. Des systèmes d'action sont ainsi définis, qui contribuent à expliquer leur invention anonyme dans les contextes divers rencontrés par l'espèce humaine, que la nation soit l'aboutissement de l'invention morphologique. Des indices convergents suggèrent, au contraire, que les sociétés européennes sont en passe d'inventer une solution inédite et révolutionnaire, en exploitant non plus les ressources de la solidarité humaine mais celles de la sociabilité.