Penser l'ennemi, affronter l'exception
Montée en puissance de la figure d'un nouvel " ennemi ", le terroriste, " combattant irrégulier " sans territoire, mise en place dans les démocraties de législations attentatoires aux libertés publiques, remise au goût du jour de la notion d'" état d'exception " notre actualité semble convoquer de manière souterraine les analyses du célèbre philosophe et juriste allemand Carl Schmitt (1888-1985). Mais quel sens peut-on donner aux " usages " politico-théoriques de la pensée d'un auteur dont on connaît bien aujourd'hui le ralliement actif au nazisme ? Dans quelle mesure, et à quel prix, Carl Schmitt nous aide-t-il vraiment à penser notre présent ? Jean-Claude Monod s'efforce ici d'apporter des réponses à ces questions. Il montre que des philosophes marqués à gauche, aussi divers que Giorgio Agamben, Jacques Derrida, Etienne Balibar et Antonio Negri ont puisé, eux aussi, chez le juriste le plus controversé du XXe siècle, les instruments d'une critique du nouvel impérialisme mondial. Mais ce recours a fait polémique, dans la mesure où cette pensée de l'ennemi a montré toute la dangerosité de son " anti-humanitarisme ". Carl Schmitt est-il vraiment le théoricien politique qui nous offre les meilleures armes pour critiquer les confusions de la " guerre contre le terrorisme " ? N'est-il pas plutôt l'une des sources des raisonnements juridiques qui servent aujourd'hui à légitimer la suspension des normes humanitaires et constitutionnelles les plus fondamentales ? Et si, paradoxalement, Carl Schmitt était tout cela à la fois ?