La pensée anti-68 : Essai sur une restauration intellectuelle
La haine de Mai 68 est devenue un thème à la mode. Le slogan de la droite, lors de la campagne présidentielle de 2007, sur l'indispensable liquidation de 68, ne doit donc pas être réduit à un propos de campagne : il résulte d'un travail idéologique qui a commencé dès les lendemains des événements et qui s'est poursuivi, de commémoration en commémoration. Faut-il voir, dans cette fièvre anti-68, une simple " rhétorique réactionnaire " ? Quelles en sont les origines ? 68 méritait-il un tel déchaînement de critiques, souvent injustes et infondées ? Pour répondre à ces questions, La Pensée anti-68 en reconstitue la généalogie intellectuelle. Serge Audier montre ainsi comment 68 n'a cessé d'être attaqué de tous côtés, de l'extrême droite la plus réactionnaire à la gauche communiste et que ce long procès a justifié et posé les bases d'une véritable restauration idéologique : restauration du sujet, restauration de la morale, restauration de la République, restauration du libéralisme. Le problème, montre l'auteur, c'est que les pièces et les témoignages convoqués à la barre étaient faux ou tronqués. Il explique ainsi comment le nom de Raymond Aron a servi de caution aux détracteurs de Mai, alors que son analyse était autrement nuancée. Il réfute le mythe selon lequel les valeurs hyperindividualistes de Mai auraient ouvert la voie à un nouveau capitalisme, d'inspiration libertaire. Et tout autant celui qui veut que 68 ait été inspiré par l'antihumanisme des " maîtres à penser " des années 1960 Foucault, Bourdieu, Derrida, etc. alors même que Mai 68 fut bien davantage vécu comme la " revanche " de Sartre. Revenir aux sources du discours anti-68, c'est aussi sonder tout le travail de sape qui a cherché à discréditer ces auteurs au nom du " retour " du sujet et de la morale. Par là, ce livre retrace les sources intellectuelles des grands bouleversements des années 1980 qui ont préparé le terrain à la " restauration " actuelle.