Proust, Freud et l'autre
Jean-Louis Baudry nous découvre la parenté entre la correspondance de Freud et celle de Proust, comme premier moment d'une activité d'écriture qui fut pour chacun d'eux vitale. Dans une mise en scène de ce qu'il appelle leur position d'écriture, il montre comment la correspondance amoureuse de Freud avec sa fiancée, puis son échange de lettres avec l'ami des temps premiers de l'invention de la psychanalyse, inaugurent le travail théorique à venir, de même que l'adresse constante de Proust à sa mère, à ses amis, ébauche et prépare le roman. Si l'écriture apparaît ici comme moyen et itinéraire d'une découverte d'abord mise en oeuvre dans la correspondance, si l'écrit théorique ou romanesque qui va s'ensuivre peut se révéler comme élaboration d'une longue lettre, c'est par la matérialisation d'un aveu, d'un mouvement constant de profanation - meurtre et dissection du cadavre - qu'accomplit l'écrit. On peut le lire explicitement chez Proust dans la méditation sur les mères profanées, plus secrètement chez Freud dans le franchissement de l'interdit de l'inceste qu'effectue la pensée psychanalytique en tant que telle. Mouvement où Baudry vient s'inscrire à leur suite en le découvrant pour nous. L'"autre" est ainsi le troisième larron d'un trio d'écrivains : le destinataire des messages de Proust et de Freud, mais aussi bien l'auteur de ce livre-ci et ses propres destinataires, le lecteur qui enrôle un lecteur à son tour.