Fou de Paris
« Ici, à Paris, au bord du canal, à deux pas du grand palais indien aux fresques colorées, il pense à vous, le fou qui marche, le fou qui sue, le fou qui boit l'eau fraîche de la fontaine d'Aubervilliers, l'eau filtrée par les sables du sous-sol d'Aubervilliers, l'eau vivante, l'eau habitée, froide et fluctuante. Il pense à vous, le fou, à vous qui chantez l'après-midi lumineux dans vos appartements étroits en regardant une fleur du papier peint qui recouvre les vieux murs humides ou bien une fleur épanouie dans un petit vase de zinc vieilli, de verre dépoli ou de porcelaine fine, ou en épluchant un oignon rouge, cet oignon qui fait pleurer vos yeux, vos yeux de chatte ou de renarde, vos jeunes yeux ou vos vieux yeux de chien battu, en allumant des bougies, les sept bougies du chandelier ou les deux bougies flanquant le portrait fané de votre grand-mère qui vous fait un signe depuis le paysage enneigé d'un lointain passé. Et ce fou vous écrit qu'il faut peut-être changer de terre, de globe, de famille ou de pays. Il vous aime tant tous les trois, tous les dix-sept, tous les milliards, comme féerie indispensable au bon cours des choses, comme fantôme bienveillant. »