L'âme de Billie Holiday
Il est extraordinaire, ce Nabe. Remuant, provocant, percutant, exalté, net. Il pense que tout est foutu, mais qu'il reste encore une petite chance de s'ouvrir l'oreille. Et pour lever toutes les équivoques, bien cadrer son art poétique, il est allé chercher l'irréfutable : le corps fait voix, l'âme des ténèbres, l'élégance incompréhensible du rythme incarné en femme : Billie Holiday. Le coup est imparable : on aime ou on n'aime pas, à la folie, cette sainte lascive, ce génie des sinus. Arriver à rendre des phrases consistantes à ce sujet, et la cause d'un écrivain est entendue. Il vous faudra donc compter avec ce monstre précis, décidé, tout jeune, niez-le si ça vous arrange, ça ne changera rien, il a d'ores et déjà sa place, toute sa place. " Gagner quelques années sur monsieur Manet : triste politique ! " Dixit Mallarmé. Philippe Sollers, 1986.