La bolchevique amoureuse et autres récits
Juste après la révolution russe, les préjugés bourgeois sont encore ancrés dans les mémoires et dans les moeurs. Ce sont autant d'ennemis à vaincre, au profit d'une liberté non moins soumise à la morale. Maria, femme vieillissante et membre haut placé du parti, se lie à un garçon lui-même amoureux d'une fille de son âge : 17 ans. Les deux jeunes gens n'ont pas connu le monde d'avant, et Maria se voit obligée de confronter les valeurs nouvelles à celles que l'on s'est tant acharné à éradiquer : le romantisme n'a plus sa place ni dans les villages du Caucase, ni dans les couloirs froids du Palais du Travail, encore moins sur le pont qui traverse la Mos- kova, où elle finira son errance. La Bolchevique amou- reuse parle, avec une élégante ironie, de deux sociétés irréconciliables, à travers le déclin d'une âme à la fois meurtrie et enthousiaste.
Les quatre récits qui s'y ajoutent, tous publiés dans di- vers journaux dans les années 1920, sont semblables à des fables dont on savoure la trame jusqu'à la dernière ligne pour en connaître la morale; on y retrouve l'éco- nomie de mots et le sens de l'absurde des Histoires pro- digieuses, qui font de Chaves Nogales un grand nouvel- liste. S'y opposent des sociétés, des personnages et des sentiments aussi ambivalents qu'indissociables. Ainsi, un nouveau riche dénonce une parfaite contrefaçon de billets de banque dont il est lui même l'auteur, un homme pousse son épouse à l'adultère, un employé de bureau se bat avec son double, et la femme d'un gou- verneur déchaîne les passions d'un village jusqu'à en menacer les institutions.