Cahiers philosophiques, n. 162 (3/2020) l'ornement
En 1757, la publication de gravures restituant les ornements antiques découverts peu de temps auparavant à Herculanum et Pompéi suscite en Allemagne des réactions aussi vives que contrastées. C'est le début de « la querelle berlinoise de l'ornement ». L'injonction classique d'imitation des Anciens se trouve en effet ébranlée. Faut-il accepter de les suivre jusque dans cette production de fresques « grotesques » et d'« arabesques » proliférantes? Quel statut accorder à ces « embellissements » étranges? Comment y voir autre chose qu'une corruption du bon goût?
Les enjeux de cette querelle sont pluriels et ne se réduisent pas à la seule mise en question d'une esthétique classique. Elle constitue un paradigme des alternatives théoriques ayant trait à l'ornement: relève-t-il de la nature ou de la culture? Est-il nécessaire ou contingent, utile ou superflu, secondaire ou autonome? Doit-il être abordé d'un point de vue objectif ou procède-t-il d'une subjectivité? Contribue-t-il à isoler un domaine des arts mineurs ou au contraire à mettre en question la supériorité des « Beaux-Arts »?
La fécondité théorique de l'ornement se manifeste dans cette polarisation du questionnement autant que dans l'ambivalence des appréciations esthétiques, morales et politiques dont il est l'objet.