La Poésie et ses raisons

La poésie et ses raisons cherche à travers un certain nombre d'études à mesurer ce qui chez les poètes sépare souvent le projet théorique plus ou moins exposé par eux de la mise en forme et du résultat. Le poème, en effet, ne saurait exister si la sensation, l'émotion n'étaient dûment reprises, repensées par une raison ordinatrice. Il y aurait cependant quelque paradoxe à s'en tenir là. Raison, réson ? Francis Ponge attirait l'attention sur cette homonymie déjà remarquée par Malherbe. Le poème provoque ainsi quantité de résonances, dans la langue comme en tout lecteur. Le critique, tout en soulignant des traits de méthodes, se doit aussi d'entendre cet éveil sensible qui à sa manière formule une leçon de lecture. Quatre parties forment cet ouvrage. Elles correspondent plus ou moins à une avancée chronologique. Variables aborde l'oeuvre de Rimbaud sous divers angles - des essais "des vers nouveaux" (rapportés aux formulations de "la lettre du voyant") à la mécanique des Illuminations (lanterne magique) et à la posture biographique ou romanesque adoptée dans les poèmes en prose. Emprises s'attache plus délibérément à ce genre de hantise que peuvent exercer certains mots (Hérodiade pour Mallarmé) ou certaines phrases (dans l'écriture automatique). Intensités prend le parti de lire selon la ligne (et la réson) de plus grande amplitude Artaud à l'heure de sa volonté, Bataille confronté au vide des mots - ou de la mort, Char pareillement soucieux de la violence de la perte, Michaux, en phase avec les hautes tensions du corps et de l'esprit. Indices, simultanément attentif à la raison et à l'émotion, perçoit chez des contemporains comme Ponge, Tortel ou Jaccottet l'accord d'une écriture avec un monde dont elle devine cependant moins l'harmonie que les distances lyriques.