DANS LES LABORATOIRES DU VIDE. Totalitarisme et fiction littéraire au XXème siècle
Le diable aura fait de bonnes affaires au XXème siècle. L'enfer aura ouvert des succursales dans les plus grands palais, les plus illustres capitales, dans des pays jusqu'alors renommés pour leurs artistes et leurs savants. L'enfer délègue des représentants à Berlin, Rome, Moscou, Pékin, de même qu'en de nombreuses sous-préfectures du pire. La littérature, qui traditionnellement servait de mémoire des rêves, des utopies, subitement dénonce, déprime, dé-rêve. En dépeignant le monde totalitaire, elle renoue avec un tragique pur, retrouve les accents d'Euripide stigmatisant Créon, de Shakespeare malmenant Roméo et Juliette. Le totalitarisme aura été l'un des thèmes importants de la littérature de ce siècle. En neuf chapitres, autant que de cercles dans l'Enfer de Dante, ce livre s'attache à définir l'anti-utopie, genre apparu de concert avec les systèmes totalitaires : sous le masque de la fable ou du conte philosophique, elle éclaire d'un jour nouveau le mythe de l'enfer. Reflet d'une époque où ont été poussés à l'extrême l'eugénisme, le productivisme et le collectivisme, l'anti-utopie consacre l'avènement d'un anti-héros avec lequel Kafka nous avait déjà familiarisés : l'homme unidimensionnel. En se posant comme un rempart contre le totalitarisme, la littérature s'investit d'une mission prométhéenne - défendre l'homme face au tyran et préserver le feu des connaissances et des arts. Cette mission a regroupé, dès le début du siècle, quelques grands noms de la littérature étrangère, parmi lesquels Eric Faye a choisi de retenir les écrivains suivants : Nikos Athanassiadis, Vladimir Bartol, Ray Bradbury, Dino Buzzati, Aldous Huxley, Ernst Jünger, Sony Labou Tansi, Ismaïl Kadaré, Vladimir Nabokov, George Orwell, Evguéni Zamiatine.