Blesse, ronce noire
Blesse, ronce noire. Ce sont les derniers mots que Georg Trakl fait prononcer à sa sœur, Gretl, dans le poème Révélation et anéantissement, écrit peu avant la bataille de Grodek (1914) d'où, la drogue aidant, il ne devait pas revenir.
Lorsqu'on considère, par-delà le minimum d'informations biographiques dont dispose l'historien, les photographies conjointes du frère et de la sœur, on peut se demander qui fut le premier à dire les mots de la douleur, de l'amour et de la faute et dans quelle secrète complicité naquirent les poèmes. Dans l'espace de la proximité ouvert entre ces deux faces d'amants et d'artistes, on peut rêver abondamment sur le sens de la dilection, de l'écriture et de la déréliction.
Blesse, ronce noire est, ici, une de ces rêveries possibles, sans souci d'histoire historienne, d'interprétation psychologique ni d'exégèse métaphysique. Une fiction, rien de plus, née de la contemplation des visages –sachant que l'on ne peut connaître que là où l'on se reconnaît. D'une infime et quelquefois hypothétique objectivité dans l'espace et dans le temps, – l'écart d'un récit, où le cœur prend ses aises à se rejoindre."Nous n'avons ensemble qu'une seule âme (...) ; elle s'est reconnue dans ton corps comme dans le mien…"