Petit Poucet rêveur
Les contes de transmission orale cachent beaucoup de poésie sous leur apparente naïveté, grâce à quoi ils nous séduisent encore et toujours. De Barbe bleue à La petite fille qui cherche ses frères, du vrai Poucet à La fille bannie, cet ouvrage tente de découvrir en quoi cette poésie consiste et par quels moyens elle s'exprime. Pour l'essentiel elle est faite d'images et de mises en scène pro- posées par le conteur au fil du récit, à la fois familières et étranges. Oniriques en quelque façon, elles sont prises dans le tissu narratif qui déroule l'itinéraire du héros ou de l'héroïne, lui-même semblable à ce « Petit-Poucet rêveur » qui est pour Arthur Rimbaud le poète lui-même. Sont pris en considération dans ces passages à l'écrit le poids que fait peser le recueil de Perrault sur le corpus français et l'infléchissement des contes vers l'enfance à partir du recueil des frères Grimm. Est également posée la question du programme nécessaire- ment optimiste du conte - « c'est un vrai conte de fées » - lorsque l'on trouve dans le corpus traditionnel quelques versions « ratées » de ce point de vue :
Comme un retournement en « anti-conte ».
Toutes ces questions renvoient au problème de la création littéraire et de sa transmission en dehors de l'écrit, revendiquant pour cette littérature dite orale le statut d'oeuvre à part entière qui lui est déniée, parfois avec véhémence.