UBU roi
Nicole Caligaris revisite l'oeuvre de Jarry sous forme d'aventure vertigineuse dans l'univers de la finance et des guerres internes aux entreprises capitalistiques mondialement établies. Le père Ubu d'Alfred Jarry (1896) assassinait le roi Venceslas de Pologne et prenait le pouvoir en exécutant les nobles et ceux qui l'avaient aidé à faire son coup d'État. Cependant, Ubu devait se méfier du fils du roi déchu, le prince Bougrelas. Et il ne cessait d'être mené en bateau par la mère Ubu, sa femme, qui lui volait son argent, l'obligeant finalement à fuir le pays avec ses généraux. Nicole Caligaris revisite l'oeuvre de Jarry sous forme d'aventure vertigineuse dans l'univers de la finance et des guerres internes aux entreprises capitalistiques mondialement établies, au sein d'un monde globalisé où les requins sévissent tous azimuts. Le texte prend une liberté totale avec l'original, puisqu'il s'agit d'un roman au lieu de théâtre, mais aussi par sa langue, d'une grande richesse et qui joue de manière virtuose sur tous les registres du vocabulaire économique, physique, trivial, en un va-et-vient envoûtant, formidablement lyrique. L'entreprise comme machine à broyer inhumaine y apparait dans un délire pathologique à la fois invraisemblable et... reflétant une certaine vérité. Cela se termine en croisière improbable, dans un yacht en route vers les Caïmans via l'embouchure de la Seine et la pointe danoise « jusqu'à la capitale d'un pays dont le nom n'a pas été retenu et c'est sans importance puisque tout était devenu Pologne ». La boucle est bouclée. Les ogres assoiffés de pouvoir sont partout. Si on ne lit plus beaucoup Ubu Roi, la pièce reste culte et sa thématique toujours d'actualité : l'enflure égocentrique, l'appétit de domination, le vertige et le délire totalitaires. Nicole Caligaris fait revivre Ubu sous forme romanesque et en transposant avec acuité la volonté de puissance et la fascination du pouvoir dans le monde de l'entreprise multinationale.