Les lignes de ta paume
Je suis une grand-mère sur patins à roulettes.
J'avance, je fonce, je ne m'arrête pas une seconde. Peut-être que si je m'arrêtais je tomberais. Peut-être que si je ralentissais, mon cœur aussi ralentirait dans une lente asphyxie. Peut-être que l'effort, le travail, la vitesse me tiennent lieu de moteur, de ron-ron dans les veines, que les pinceaux sont mes meilleures jambes et la fatigue ma plus tendre amie.
Je ne décille pas de toi, je ne désalive pas de paroles, je ne taris jamais de mots. Le passé coule entre nous sa masse. Tu prends des notes dans un grand cahier, tu ne prends pas de sucre dans ton thé, moi non plus, aujourd'hui je suis en pleine tristesse, tu le vois mais tu n'y peux rien, je te raconte mille atrocités et tu acquiesces de ton petit menton.
C’est une vieille dame de 85 ans qui raconte ainsi sa vie à une jeune visiteuse, une sorte de scribe qui retranscrit le récit de sa vie foisonnante : aujourd’hui elle vit à Genève, elle a un vieux mari hospitalisé à qui elle rend visite, et parfois elle vend du chocolat, sous la gare...
Mais l’histoire de cette vieille dame indigne et fantasque a commencé ailleurs, elle a traversé les époques (tout le XXe siècle) et l’espace (de Bagnolet où elle est née à la Suisse où elle vit désormais). Un récit haletant qu’elle livre bribe après bribe à celle qui l’écoute attentivement, et qui comprend peu à peu comment celle qui se prénommait Nelly est devenue la Linda d’aujourd’hui, une artiste dont l’appartement déborde de quatre mille tableaux et d’innombrables sculptures…