Les coïncidences exagérées
J'avais en ce temps-là de noirs éblouissements et courais les champs de mines avec une distraction de décapité. La réalité m'était un embarras. Je ne supportais pas l'ironie des miroirs. La poésie était l'autre nom de l'amour, celui qu'on tait, les yeux brûlés. Paris en sang, ce soir - mais ce n'est pas du vendredi 13 novembre 2015 dont je voudrais parler. Qu'y puis-je, si pour moi coïncident, à plusieurs décennies d'intervalle, l'horreur des tueries frappant en nombre des femmes et des hommes, par centaines on peut craindre, jeunes pour la plupart, et la première page évocatoire du récit d'un jour de mon passage sur la planète Terre ? Ce jour qui aurait dû être pour moi l'ultime, mais ne l'ayant pas été, il ne cesse de me hanter, sans aplomb dans sa folle effraction.
C'était un 17 septembre, à Paris. Hubert Haddad avait 20 ans. Debout sur le rebord de sa fenêtre, au 4eétage d'un immeuble de la rue Pastourelle, complètement nu, il allait se jeter dans le vide. Un jeune homme est entré par hasard juste à ce moment-là, un ami. Il est allé vers lui et, à la manière d'un ange, il a su trouver des mots simples pour le calmer et le faire revenir de son geste qui lui aurait été fatal.
C'est à partir de ce jour-là, où il croyait chercher la vérité dans cet acte, qu'Hubert Haddad, en poète et en peintre, dessine un autoportrait vibrant, énigmatique, presque halluciné. Des échos d'un jour à l'autre, d'un texte à l'autre, d'une scène d'enfance au présent le plus brûlant, comme celui de la nuit des attentats du 13 novembre 2015, quand il a couru à l'hôpital, au chevet de son frère qui n'avait plus que quelques instants à vivre, au moment même où, à quelques mètres de là, toute une jeunesse a été assassinée.
Son récit est ainsi à chaque fois aimanté par d'étranges coïncidences qui font apparaître les êtres essentiels de sa vie. Avec au coeur du livre, la perte de ses deux frères et la magie d'une génération, la sienne, pour qui la vie était avant tout une recherche de la poésie, de la beauté, de l'amour et de l'excès.