Le Fils de Jean-Jacques
Un jour de novembre 1746, une sage-femme dépose à l'hospice des Enfants-trouvés du parvis Notre-Dame un nourrisson âgé de deux jours. Il est le fils d'un dénommé Jean-Jacques qui se pique d'écrire des opéras, des essais et qui fréquente les philosophes. Tandis que l'enfant, Baptiste, est envoyé en nourrice à la campagne, son père écrit le Discours sur les Sciences et les Arts. Ce qui lui vaudra le premier prix de l'Académie de Dijon et lui permet, lui le provincial, de conquérir la capitale.
Malmené, passant de famille en famille, Baptiste finira toutefois par trouver un foyer, des parents adoptifs ainsi que des frères et sueurs qui seront sa famille. Il grandit dans cette France rurale, dure et simple, de Louis XV le Bien Aimé. L'abandon d'enfant, à cette époque, est pratique courante plus qu'affaire de circonstance. Et ledit Jean-Jacques abandonnera, successivement quatre bébés dont il n'a cure. Pourtant, Baptiste, son aîné, restera sa mauvaise conscience. Et, au soir de sa vie, il tentera, en vain, d'en retrouver la trace. C'est à un très brillant exercice que s'est livrée Isabelle Marsay, avec ce Fils de Jean-Jacques, donnant à voir le quotidien d'une époque paradoxale : Siècle des Lumières et ultimes heures de la féodalité, décor naturel d'une histoire (presque authentique) au moins aussi paradoxale un homme, sensible et intelligent, abandonne ses enfants en même temps qu'il écrit des traités d'éducation qui feront trace jusqu'à nos jours. Pour autant, c'est un vrai drame de facture classique (avec des personnages hauts en couleurs, de l'amour et de la haine, de la cupidité et de la générosité...) qu'Isabelle Marsay en romancière confirmée nous donne, là, confirmation de son talent.