Le temps en ruines
L'urbanisme et l'architecture ont toujours parlé de pouvoir et de politique. Leurs formes actuelles, la multiplication des aires de misère, des camps, des sous-produits de l'urbanisation sauvage sous l'entrelacs brillant des autoroutes, des lieux de consommation, des tours, des quartiers d'affaires et des hauts lieux du tourisme, montrent assez la cynique franchise de l'histoire humaine. Ce sont bien nos sociétés que nous avons sous les yeux, sans masques, sans fard. Ce qui nous retient dans la vue des ruines, c'est leur aptitude à faire sentir le temps (le temps " pur ") sans résumer l'histoire ni l'achever dans l'illusion du savoir ou de la beauté, et à prendre ainsi la forme d'une œuvre d'art. L'histoire à venir ne produira plus de ruines. Elle n'en a pas le temps. Sur les décombres nés des affrontements qu'elle ne manquera pas de susciter, des chantiers néanmoins s'ouvriront, et avec eux, qui sait, une chance de bâtir autre chose, de retrouver le sens du temps et, au-delà, peut-être, la conscience de l'histoire. Telle est l'intuition que Marc Augé tente ici de mettre ne forme au terme d'un parcours sinueux entre divers sites du monde, diverses œuvres littéraires ou cinématographiques, et quelques souvenirs.