Aimer, s'aimer, nous aimer : Du 11 septembre au 21 avril
La violence et l'insécurité dans lesquelles nous vivons - aussi exploitées qu'elles puissent être fantasmatiquement, voire manipulées de manière délibérée - relèvent avant tout d'une question de narcissisme, et sont le fait d'un processus de perte d'individuation. Il s'agit de narcissisme au sens où un homme comme Richard Durn, assassin d'un nous - assassiner un conseil municipal, représentation officielle d'un nous, c'est assassiner un nous - souffrait terriblement de ne pas exister, de ne pas avoir, disait-il, le " sentiment d'exister " : lorsqu'il tentait de se voir dans une glace, il n rencontrait qu'un immense néant. C'est ce qu'a révélé la publication d son journal intime par Le Monde. Durn y affirme qu'il a besoin de " faire du mal pour, au moins une fois dans [sa] vie, avoir le sentiment d'exister "
Richard Durn souffre d'une privation structurelle de ses capacités narcissiques primordiales. J'appelle " narcissisme primordial " cette structure de la psychè qui est indispensable à son fonctionnement, cette part d'amour de soi qui peut devenir parfois pathologique, mais sans laquelle aucune capacité d'amour quelle qu'elle soit ne serait possible. Freud parle de narcissisme primaire, mais cette expression ne correspond pas tout à fait à ce dont je parle : elle désigne l'amour de soi infantile, une époque précoce de la sexualité. Freud parle aussi de narcissisme secondaire, ce qui survient à l'âge adulte, mais il ne s'agit encore pas de ce que je nomme le narcissisme primordial, qui est sans doute plus proche de ce que Lacan désigne dans son analyse du " stade du miroir "
Il y a un narcissisme primordial aussi bien du je que du nous : pour que le narcissisme de mon je puisse fonctionner, il faut qu'il puisse se projeter dans le narcissisme d'un nous. Richard Durn, n'arrivant pas à élaborer son narcissisme, voyait dans le conseil municipal la réalité d'une altérité qui le faisait souffrir, qui ne lui renvoyait aucune image, et il l'a massacrée.