L'Art à perte de vue
Un constat s'impose : si voir et savoir étaient bien les grandes interrogations éthiques et esthétiques depuis le siècle des Lumières, voir et pouvoir deviennent celles du XXIe siècle. En effet, si les sociétés totalitaires ont tenté sans succès de réaliser cette " politique panoptique ", la société globalitaire qui s'annonce possède, elle, les moyens audiovisuels pour y parvenir, grâce à cette accélération de la réalité dont " l'art de voir " est la première victime. A une époque où notre vision est devenue moins objective que téléobjective, comment persister dans l'être ? Comment résister à cette déréalisation d'un monde où tout est en vue, déjà vu et instantanément oublié ? Comment persister dans l'espace réel de l'œuvre, alors même que l'accélération du temps réel emporte tout sur son passage ? Art-lumière en route vers le devenir-musique de l'image télévisée ou art-matière de la plasticité, il faut choisir ; choisir entre la dynamique et sa panique, la mise en transe des foules subjuguées ou la statique et la résistance des matériaux... C'est ici et nulle part ailleurs que se joue aujourd'hui le sort de l'économie politique de la démocratie.