Je vois sans yeux et sans bouche je crie
Tant mieux si certains poètes se prêtent plus que d'autres à la traduction en français, langue si rebelle ! C'est toujours cela de sauvé parmi tant de malentendus qui grèvent l'échange dont l'avenir a besoin.
Et voici Pétrarque qui est certainement de ceux-là.
Écrivant le Canzoniere en italien mais l'ayant vécu dans des situations françaises. Et médiéval mais déjà tellement moderne ! Il passe de la métaphore codée et donc abstraite de la vieille pensée chrétienne à la métaphore libre. Laure a des cheveux d'or comme est d'or le fond des retables, mais c'est Apollon que Pétrarque prie de venir en sa compagnie la regarder assise dans un sous-bois avec un rayon de soleil dans sa chevelure.
Non plus Simone Martini, déjà presque Claude Monet. Pétrarque tente de s'approcher de nous, dans ces sonnets qui, lus et recommencés un peu partout en Europe, hâtèrent d'ailleurs si bien le renouveau qu'il fallait. Et comment ne pas croire que le voeu de toute poésie ne soit pas, vouée comme elle est pourtant à son parler d'origine, de s'ouvrir comme ce témoin de deux pays et de deux époques à d'autres langues, d'autres cultures ? On parle de la difficulté de la traduction des poèmes, on doit tout autant se dire que sous leurs guises les plus marquées ces grands vaisseaux ou minces pirogues n'en cherchent pas moins le même port.