Vie et mort d'un dandy : Construction d'un mythe
Brummell fut le Prince des Dandys, dit-on. Il fut aussi et surtout un individu grossier, égoïste, agressif, ironique, cynique, malpoli, menteur, escroc, insultant, arrogant, suffisant, prétentieux et, bien sûr, content de lui, vivant de reprocher aux autres leur mauvais goût, leur inélégance, leur fatuité, leur manque d'éducation. Ce personnage réel, recouvert par son mythe et sa légende, fut l'étoile brillante de la société mondaine anglaise pendant une vingtaine d'années, avant d'être, pendant un quart de siècle, sur le sol français, un pitoyable personnage, un raté minable, un pique-assiette mal élevé, un misanthrope syphilitique, un gâteux, puis un demi-fou enfermé à l'asile.
Comment un homme si détestable a-t-il pu devenir le personnage conceptuel du dandysme pensé comme une éthique de l'élégance et de l'aristocratie, du bon goût et de la singularité ? De quelle manière cet adulte, qui ne fut jamais qu'un gamin mal élevé, est-il devenu l'incarnation du poète de l'existence ?
Par la grâce d'un autre dandy, Jules Barbey d'Aurevilly, qui publie Du dandysme ou de George Brummell, et de Charles Baudelaire. Brummell fut un déchet; Barbey en fit un astre noir; Baudelaire, un feu latent qui pouvait rayonner, mais ne voulut pas... Le dandy a-t-il encore des choses à nous dire en ces temps nihilistes ?