Photographies
François Rouan, Photographies n'est pas un livre de photographe. C'est le livre d'un peintre qui, à intervalles plus ou moins réguliers, se saisit du médium photographique pour le faire résonner avec son travail de peinture.
Depuis plus de vingt-cinq ans, cette pratique témoigne avant tout pour Rouan du dialogue qu'il tisse avec les modèles qui posent pour lui dans l'atelier. Elle lui permet de laisser trace du vivant de ces échanges tout en maintenant à distance l'idéalisation de la belle forme par un dispositif qui, d'entrée de jeu, défait la littéralité du sujet. Il y parvient en choisissant de travailler avec une machinerie délibérément anachronique dont il débraye l'avancée mécanique.
Dès la première prise de vue, par l'effet de cette progression à l'aveugle et d'un cadrage aléatoire brouillé par les glissés et les superpositions, l'image se trouve dans le même temps impressionnée et déjà troublée par la suivante. La bande ainsi traitée est ensuite déposée au réfrigérateur pour y être conservée aussi longtemps que l'artiste le désire.
Plus tard, éventuellement des années après ces prises de vue dans l'atelier, l'artiste, au gré de ses promenades sur la côte picarde, les plages normandes, en Engadine, en Italie, ou encore en Dordogne au château de Hautefort, se saisit du rouleau réembobiné et le charge des paysages traversés qui s'impriment sur le corps des modèles pour les tatouer, les voiler ou les masquer. Les tirages qui résultent de ce processus condensent ainsi les strates de temps différés et d'espaces disjoints.
Plus que des photographies, ce sont alors des blocs de mémoire qui invitent le regard à circuler entre les veines d'un feuilletage marbré de corps, de ciel, de terre ou d'eau, griffé parfois d'empreintes peintes.
Les pages d'un journal d'atelier rassemblant notes et fragments écrits par François Rouan entre 2012 et 2018, évoquent, au centre du livre, et en contrepoint aux travaux photographiques, l'espace mental où s'élabore la peinture.