L'Ukraine depuis le procès Schwartzbard-Petlioura (1927)
À l'heure où l'Ukraine revient sur le devant de la scène politique et où la France, faisant désormais partie intégrante de l'OTAN, semble frappée d'amnésie, il n'est pas indifférent de rappeler l'enjeu de ce procès qui eut un retentissement comparable à celui de l'Affaire Dreyfus.
Le 25 mai 1926, à l'angle du boulevard Saint-Michel et de la rue Racine à Paris, un Juif russe naturalisé français à la n de la guerre de 1914, Samuel Schwartzbard, assassine Simon Petlioura, l'ancien président du Directoire ukrainien du 14 décembre 1918 au 5 février 1919. Il le tient pour responsable du massacre de dizaines de milliers de Juifs lors de pogromes organisés par l'armée indépendantiste ukrainienne dont Petlioura est l'ataman général.
À l'époque, ce procès sensationnel qui dura huit jours, et vit témoigner les plus grands noms de la science et de la littérature des années trente, a bel et bien mobilisé l'opinion française tout entière et fait la une de la presse internationale. Ce grand élan pro-juif qui s'intercale entre la réhabilitation du capitaine Dreyfus en 1906 et les actes antisémites du gouvernement de Vichy correspond bien aux années où l'antisémitisme dans la société française connaît son plus bas étiage. Au mitan des années vingt, les horreurs de la guerre hantent les esprits et un puissant sentiment d'empathie se lève en faveur des victimes des pogromes. Les difficultés économiques se chargeront de souffler une nouvelle vague d'antisémitisme à partir de 1931. Me Torrès, l'avocat de Schwartzbard, était cent fois fondé à bâtir sa plaidoirie sur l'horri ante réalité des pogromes et à la clore dans un élan oratoire irrésistible : « Non, ce n'est plus vous, Schwartzbard, qui êtes en cause ici : ce sont les pogromes. » Aujourd'hui, Schalom Schwartzbard, en dépit du verdict d'acquittement, reste pour les Ukrainiens « l'assassin à la solde de l'ennemi de l'Ukraine indépendante ».
Monique Slodzian nous restitue les tenants et les aboutissants de ce procès historique et nous rappelle la part obscure de ce nationalisme ukrainien défendu par l'Union européenne comme une pure aspiration à la liberté.