La baie des Français
Liam Davison met en scène un photographe paysagiste de la côte australienne, dont les clichés et les observations de terrain se trouvent peu à peu imprégnés - à sa grande surprise - de rémanences, de sujets, de silhouettes (aborigènes ou " civilisées ") appartenant à une époque antérieure. Les lieux sont certes les mêmes : Westernport, la baie des Français, où par erreur s'établit jadis une colonie hasardeuse, sur un sol de glaise, envasé par l'éternel charroi des marées. Mais le présent semble lui aussi infiltré par la résurgence du passé. Ainsi le romancier nous fait-il revivre l'existence des pionniers de jadis : le chasseur de phoques Kerrison, le riche Theodore Droste, sa fille Anna qui convola avec Jasper, insensé draineur de cette terre mouvante et boueuse, acharné à manier la pelle pour creuser d'inutiles canaux d'assèchement. Hélas, si forte est ici la prégnance de l'eau qu'elle menace d'engloutir jusqu'au moindre espoir... Aussi obsédant que personnel, ce récit des permanences et des métamorphoses d'un paysage s'appuie sur une fascinante vision de la mémoire des lieux, et sur une très poétique interprétation de l'espace-temps. A sa manière discrète et novatrice, l'auteur de La Femme blanche (Actes Sud, 1996) explore l'inconscient collectif de l'Australie, non sans bousculer au passage quelques conventions narratives - à commencer par celles du roman historique.