Le roman de la corrida
Ronde est l’arène où le rêve s’incarne. Tout m’y relie depuis l’enfance. Plus d’un demi-siècle a passé et je n’en épuiserai jamais le prodige. Elle m’a enchanté bien avant ma naissance, depuis deux cent cinquante ans et les débuts à Ronda.
Le couple de l’homme et de la bête célèbre des noces indicibles dont très peu d’échos nous parviennent. Les deux adversaires convertis en partenaires s’affrontent au centre de la piste et consomment leurs épousailles dans un silence coupé des brefs appels du torero et du souffle rauque du fauve en réponse.
Chronique, roman, essai ou poème, on ignore quand le taureau va sortir et dans quel espace aura lieu sa rencontre avec le matador de mots, mufle collé à un charme où l’on jurerait que la littérature n’a rien à voir. Mais quelque chose passe dans la phrase qui trace un lent dessin, se cambre et défie, et la mort frapperait à cause d’un vocable mal placé, si par son paraphe ne la déviait un autre mieux inspiré. On appelle ça la grâce ou la visite de l’esprit. Présent perpétuel, c’est toujours la première fois quand se déplient les capes après le défilé inaugural et qu’elles jouent avec le vent.
Jean-Marie Magnan