Les Mal-famées
Pendant la guerre, deux femmes s'installent ensemble dans une petite maison d'angle, dans un quartier évacué de la ville. Marie, femme d'âge mûr, cuisinière de talent, a pris sous sa protection la jeune Lise, culottière, giletière, couturière à façon, et elles sont devenues comme mère et fille. Les pénuries, le froid, la pauvreté, les bombardements qu'elles endurent en ce temps de guerre n’entament pas le bonheur qu'elles se donnent l'une à l'autre. Malgré leurs assiettes vides. Marie a entrepris d'initier Lise à l'art culinaire en lui livrant ses secrets de cordon-bleu, et souvent les mots ont pour ces deux-là des relents de rôtisserie. Pas d'héroïsme pour les deux femmes, même si elles cachent une petite fille, même si elles tuent pour lui sauver la vie, tout n'est que bel et pathétique égoïsme : elles veulent, malgré les événements et les tourments, profiter du bonheur chiche qu'elles ont si difficilement conquis.
Ecrit dans une continuité jubilante et dans une intimité constante avec les personnages, les Mal famées (publié par Actes Sud en 2000) raconte la détresse sauvage des mal-aimées : mère sans enfant, enfant sans mère, femme sans fiancé, femme vouée à la solitude, femme sans espoir - ce roman montre l'insoupçonnable capacité de certaines d'entre elles à répondre à la misère par des salves de désirs. Dans ce récit de la faim, de l'obscurité, de la peur et de la solitude, les sentiments naturellement généreux et la bonne chair se rencontrent de manière presque terroriste, pour donner un beau mélange de réjouissances littéraires et dramatiques.